Patrimoine : affaire classée ? (version texte en continu)

Patrimoine : affaire classée ? (version texte en continu) 2017-03-14 Patrimoine : affaire classée ? (version texte en continu)
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Version texte sans mise en page du dossier paru dans le numéro 10 d’Aires Libres

La Belgique est dotée d’un patrimoine considérable. Notre pays a toujours su préserver sa richesse architecturale et dispose d’un grand nombre de monuments et sites protégés. En Wallonie, on dénombre environ 3350 biens classés au titre de monument, site, ensemble architectural ou site archéologique. La Région bruxelloise compte, quant à elle, approximativement 3500 biens classés ou inscrits sur la liste de sauvegarde (1) et la Région flamande en recèle près de 11 000.
Ce patrimoine, c’est-à-dire l’héritage qui nous a été laissé par les générations précédentes et qui doit être transmis aux générations futures, relève aujourd’hui incontestablement du bien commun.
Au Moyen-Âge, les collections réunies dans les églises médiévales témoignent déjà d’un « bien collectif qu’il importe de sauvegarder et de transmettre » (2). Après la Révolution française, ce phénomène s’amplifie car il importe pour les Etats de développer le sentiment national. Depuis, on ne cesse de recenser, d’étudier, de protéger, de conserver et de faire connaître les objets dits patrimoniaux. Depuis un demi-siècle, le concept de patrimoine s’est largement étendu. Il revêt désormais de multiples formes, qu’il soit matériel (monument, vestige, paysage, site, objet…) ou immatériel (savoir-faire, chant, danse, gastronomie, document, témoignage…) et n’est plus seulement attaché à une nation mais bien à une communauté, que celle-ci soit locale, régionale, nationale voire mondiale, comme le prouve notamment la liste du patrimoine mondial de l’humanité créée par l’UNESCO.
Le devoir de conservation du patrimoine n’a de sens que s’il sert le droit fondamental de tout individu à participer à la vie culturelle et sociale. La Déclaration des Droits de l’Homme précise en son article 27 que « toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent ».
Le patrimoine, en tant qu’héritage commun, appartient à la communauté dans son ensemble. Il est dès lors normal que cette dernière prenne en charge les coûts liés à son maintien et à sa restauration. L’utilisation de l’argent public implique que le patrimoine soit accessible au plus grand nombre, y compris aux personnes à mobilité réduite (PMR). Or, à la question de la mise en accessibilité du patrimoine, on entend encore trop souvent la réplique « Edifice classé, pas question d’y toucher ! ». Cette excuse est-elle réellement valable ? N’est-il pas possible de concilier protection du patrimoine et accès pour tous ?

Droit de l’héritage

En Belgique, nombreux sont les bâtiments classés ou partiellement classés où ont lieu des activités socioculturelles, sportives, touristiques ou récréatives. De même, des missions de service public sont assurées dans bon nombre d’immeubles protégés, telles que l’administration, le transport, la gestion du courrier, la justice… Les PMR sont donc en droit de réclamer l’accès à ces services rendus dans des édifices patrimoniaux dont la fonction n’est plus directement liée au statut historique.
Pourtant, il ne semble exister aucune obligation en la matière dans notre plat pays. La réglementation wallonne, bruxelloise ou flamande concernant l’accessibilité s’applique bien en cas de constructions ou de rénovations, mais les bâtiments classés qui sont transformés peuvent presque systématiquement déroger aux impositions prévues par ces règlements régionaux.
En Wallonie, l’article 414 §1 du CWATUPE (Code wallon de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme, du Patrimoine et de l’Energie) prévoit l’accessibilité des bâtiments et espaces ouverts au public pour les PMR. Dans son §2, il précise que ces mesures d’accessibilité ne s’appliquent pas aux biens immobiliers classés ou inscrits sur la liste de sauvegarde.
Notons qu’il persiste une confusion concernant les parties non classées de biens immobiliers partiellement protégés. Il arrive fréquemment que, lors de la rénovation d’un bien dont, par exemple, seules les façades ou les toitures sont classées, l’on omette d’adapter l’intérieur du lieu alors que la réglementation s’applique.
Pour la Région de Bruxelles-Capitale, le titre IV du Règlement Régional d’Urbanisme (RRU) dispose de la même restriction que le §2 du CWATUPE. Le Code Bruxellois de l’Aménagement du Territoire (CoBAT) prévoit néanmoins que le gouvernement puisse édicter un ou des règlements d’urbanisme afin d’assurer l’accès des immeubles ouverts au public, des installations et de la voirie, pour les PMR.
Le Règlement urbanistique flamand relatif à l’accessibilité (3) mentionne quant à lui une mesure d’exception pour les biens protégés dans le §2 de son article 2. Son article 35 va un pas plus loin car il indique que, dans le cadre de travaux dont le permis est obligatoire, le consultant du patrimoine devra rechercher un équilibre entre, d’une part les exigences d’accessibilité et, d’autre part, le maintien des valeurs patrimoniales.
Au vu de la législation actuelle, aucune mesure réellement contraignante n’existe pour intégrer l’accessibilité dans nos bâtiments anciens protégés. Celle-ci semble être totalement dépendante du bon vouloir des propriétaires, soumis, eux-mêmes, à l’accord du comité d’accompagnement octroyant les certificats de patrimoine avant tout aménagement. De plus, de nombreux maîtres d’ouvrage ou auteurs de projet estiment que les travaux en matière d’accessibilité peuvent nuire à l’intégrité d’un site patrimonial, qu’il s’agit de « quelque chose de fonctionnel, « une sorte de prothèse » ajoutée au bâtiment, allant à l’encontre de ses qualités esthétiques et de sa symbolique » (4).
Au niveau européen, notre pays a signé plusieurs conventions qui vont dans le sens d’une évolution en matière d’accueil d’un large public au sein des sites protégés. De manière indirecte, elles préconisent donc leur accès pour les moins valides. La Convention de Grenade du 3 octobre 1985 pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l’Europe prévoit l’aménagement des biens protégés pour les besoins de la vie contemporaine, sans porter atteinte à la valeur architecturale et historique de ceux-ci. La Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique, approuvée à La Valette le 16 janvier 1992, mentionne  que les équipements nécessaires doivent être prévus pour l’accueil d’un grand nombre de visiteurs. La Convention européenne du paysage, signée à Florence le 20 octobre 2000, témoigne de la volonté de satisfaire aux souhaits de la population pour qu’elle puisse pleinement profiter de ces sites. (5)
Doit-on de plus rappeler que la Belgique a récemment ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées ? Celle-ci leur reconnaît l’accès « aux lieux d’activités culturelles tels que les théâtres, les musées, les cinémas, les bibliothèques et les services touristiques, et, dans la mesure du possible, aux monuments et sites importants pour la culture nationale ».
La mise en accessibilité du patrimoine immobilier s’inscrit totalement dans l’esprit de ces conventions. Une évolution en la matière se produit en Wallonie où, depuis plusieurs mois, les comités d’accompagnement mis en place par le Département du Patrimoine du Service Public de Wallonie (SPW) font appel à des spécialistes en accessibilité. Ceux-ci peuvent proposer une série de pistes aux concepteurs pour améliorer l’accès du site aux personnes handicapées. Cela constitue indéniablement un pas en avant dans le domaine, même s’il s’agit, jusqu’à présent, d’avis consultatifs.

Inscrire un bien sur la liste du patrimoine accessible

Un bien classé n’est figé ni dans son état ni dans sa fonction. Plusieurs principes doivent être respectés dans le cas de transformations : rechercher la simplicité, maintenir les éléments significatifs et authentiques, garantir l’harmonie de l’ensemble, éviter les ruptures de forme, prôner des solutions architecturales contemporaines intégrées… (6)
Le défi est d’arriver à offrir l’accessibilité la plus large possible, pour le plus grand nombre d’utilisateurs et de visiteurs, tout en tenant compte de l’intégrité et de l’aspect patrimonial du bâtiment. Il s’agit dès lors de mettre en place des aménagements dits raisonnables. Le caractère raisonnable n’est pas ici seulement évalué selon l’impact financier mais bien en fonction de l’impact historique et esthétique de l’aménagement.
Soulignons que cela implique généralement une réflexion en profondeur sur l’organisation du site. Le résultat doit donner naissance à un compromis acceptable entre la préservation du patrimoine et la prise en compte des besoins des PMR.
En matière de Patrimoine, il existe deux principes clés lorsque l’on réalise des aménagements : la réversibilité et la capacité d’intégration. Le Département du Patrimoine privilégiera souvent des solutions, qui, primo, pourraient être retirées sans dommage notable pour le site et qui, secundo, s’intègrent à l’environnement historique.
Pour ce faire, l’utilisation de matériaux traditionnels, comme le fer forgé, le bois, la fonte, est fréquemment de mise. Les matériaux industriels tels que l’acier inoxydable, le verre et les matériaux composites rencontrent aujourd’hui, eux-aussi, de plus en plus de succès et permettent aux visiteurs de comprendre qu’il s’agit d’un ajout contemporain et non d’un élément historique.
En matière d’accès au patrimoine, certaines difficultés sont récurrentes et les solutions doivent rester individuelles car chaque situation présente ses propres limitations et opportunités. Tout dépendra des caractéristiques du bâtiment, de son affectation et de ses visiteurs potentiels.

Principaux remparts

Revêtement extérieur impraticable

Que ce soit dans les centres anciens ou aux abords d’immeubles classés, les vieux pavés se révèlent souvent impraticables. Leur face bombée et la présence de joints en creux rendent la progression des PMR quasi impossible. Une des solutions préconisées est de prévoir, sur une largeur suffisante, un revêtement stable, plane et sans obstacle au pied ou à la roue. Les pavés peuvent être conservés pour autant que leur face supérieure soit sciée ou poncée. Les joints seront les plus petits possibles et à fleur du pavé. Cet aménagement a été réalisé dans la cour d’honneur du Château de Versailles.
Dans des zones archéologiques ou naturelles, le placement d’un passage suspendu peut être envisagé. Au Château d’eau de Pietersheim à Lanaken, une passerelle permet de rejoindre les différentes parties du site et de circuler à travers les ruines.

Présence d’un dénivelé naturel important

Lorsque la pente naturelle d’un site est importante, il n’est pas toujours possible de compenser les différences de niveau par des rampes d’accès de pourcentage adéquat, tout en respectant l’esthétique du site. Le placement d’élévateurs, comme c’est le cas dans les jardins de Versailles, peut alors être envisagé. La création d’une voie de circulation secondaire adaptée aux personnes handicapées est une autre option. C’est la solution retenue pour le site de Port-Royal des Champs (7) qui, ne pouvant rendre accessible un parcours en escalier, a le projet de créer un chemin parallèle adapté, en léger retrait et ne dénaturant pas le point de vue.

Entrée précédée de marches

Les entrées des édifices classés sont presque systématiquement précédées de marches. Le placement d’une rampe d’accès est une solution, tout en veillant à conserver l’intégrité patrimoniale de la façade. A Arlon, une succession de bordures chanfreinées (marches taillées obliquement), de même teinte que les marches de l’escalier, permet un accès aux personnes en chaise roulante à la Paroisse Saint Martin. Le château de Versailles a opté pour une solution contemporaine en plaçant des rampes d’accès en teck au niveau des entrées accessibles à tous.
Ici encore, le recours au placement d’un élévateur est une solution moins consommatrice en termes d’espace. La plate-forme élévatrice pourra, soit être dissimulée, comme le montre l’exemple du Parlement Fédéral à Bruxelles ; soit être distinguée du bâtiment ancien en utilisant des matériaux contemporains, comme l’illustre le Grand Théâtre genevois.
Si le placement d’un plan incliné ou d’un élévateur n’est pas approprié, une alternative est de prévoir l’entrée par un autre accès accessible. Dans une optique de non discrimination, celle-ci impliquera une réorganisation totale du lieu afin que les PMR pénètrent par le même accès que les valides. Le musée de Port-Royal des Champs modifiera prochainement son organisation et sa scénographie afin d’accueillir l’ensemble du public par une nouvelle entrée accessible et non plus par
l’entrée historique précédée de nombreuses marches.

Absence d’ascenseur dans le bâtiment classé

Trouver un emplacement de taille suffisante pour placer un ascenseur dans un bâtiment ancien n’est pas chose simple. Il faut envisager de sacrifier, de manière raisonnée, une partie du patrimoine en renonçant à conserver un espace moins intéressant ou plus commun pour y placer l’équipement. Il peut s’agir, par exemple, d’une entrée ou d’un escalier de service. Une autre possibilité est le placement d’un ascenseur en dehors de l’édifice ou dans une extension, comme ce qui fut réalisé à l’ancienne maison communale d’Ensival. Si certaines pièces se révèlent totalement inaccessibles, une visite virtuelle, utilisant des outils sensoriels, reste une solution compensatoire éventuelle.

Des espaces non sécurisés

Les bâtiments et sites (partiellement) classés comportent bon nombre de dangers pour les personnes déficientes visuelles ou marchant difficilement. Leur vigilance doit être éveillée à l’approche de tout obstacle dangereux. Les escaliers peuvent être sécurisés à l’aide de mains courantes. Si leur placement devait entraîner des dommages pour les murs latéraux, elles pourront être fixées au sol. Le recours à des plots se collant sur le revêtement de sol et étant totalement réversibles, est une autre solution réalisable. Ceux-ci sont disponibles en plusieurs couleurs, ce qui permet de ne pas nuire à l’esthétique du lieu. De tels dispositifs ont été installés au Parlementarium à Bruxelles.
Ajoutons à cela d’autres difficultés récurrentes comme les problèmes d’acoustique et/ou d’éclairage. Celles-ci seront résolues de façon spécifique en fonction de l’affectation du lieu.
Au regard de ces exemples, on constate qu’il existe des aménagements pouvant combiner amélioration de l’accès pour les PMR et respect de l’intégrité patrimoniale.
Choisir telle ou telle solution ne peut se faire qu’après une réflexion poussée. Il est alors judicieux d’adopter une méthodologie afin d’effectuer les bons choix.

Plan d’attaque

Avant de prendre des décisions en matière d’accessibilité des bâtiments classés et d’entreprendre des aménagements, il faut bien comprendre les différents besoins des PMR et étudier toutes les options susceptibles de les rencontrer.
La réalisation d’un audit d’accessibilité, passage obligé, identifiera les barrières d’accès au sein du site pour les différents types de handicap (et pas uniquement pour les utilisateurs de fauteuil roulant !). Ce travail amènera des recommandations en vue d’atteindre le niveau d’accès requis, en tenant compte de l’ensemble du parcours : parking, entrée et circulation dans le site, accès aux facilités…
Parallèlement, il convient d’entreprendre une démarche d’évaluation de la valeur patrimoniale des différents éléments du site, afin de réconcilier accessibilité et  nécessité de conservation de ceux-ci. Est-il possible de transformer une entrée trop étroite, d’aménager une pente douce pour contrer une marche, de créer un passage dans un muret… ? Si pas, peut-on prouver l’impossibilité architecturale, historique ou technique ?
Grâce à ces deux procédures, on disposera des informations nécessaires afin de déterminer les aménagements raisonnables conciliant besoins d’accès pour les PMR et nécessité de protection du patrimoine.

A ne pas classer sans suite !

Au travers des conventions européennes et internationales, la Belgique s’est clairement positionnée en faveur d’un patrimoine ouvert au plus grand nombre. Il ne lui reste plus qu’à traduire ses engagements dans une législation plus contraignante en la matière.
« Edifice classé, pas question d’y toucher ! », entendions-nous. Cet argument, encore trop souvent invoqué, ne peut plus être accepté par les autorités publiques. L’absence de réflexion quant à la mise en accessibilité du patrimoine représente sans conteste une discrimination envers les personnes en situation de handicap.
A l’instar des plans FEDER (voir encadré « Les Fonds structurels et les prescriptions en matière d’accessibilité » p.14), la réglementation pourrait aisément prévoir de conditionner l’octroi de financement public à la nécessité de mener une réflexion poussée sur l’accessibilité. Cette démarche inverserait le mouvement actuel, en obligeant les maîtres d’oeuvre et d’ouvrage à se justifier sur l’impossibilité (fondée ou non) de ne pas l’intégrer.
Concilier accessibilité et préservation du patrimoine est un défi contemporain qui demande beaucoup de réflexion et d’application. L’architecture actuelle s’imbriquant de plus en plus dans les héritages du passé, cette conciliation ne devrait qu’en être facilitée. Par ailleurs, des solutions innovantes verront encore le jour. La politique de sauvegarde et de réhabilitation du patrimoine immobilier pourra alors enfin se marier avec une mise en service égalitaire de son offre.
« Plutôt que de permettre d’identifier des « solutions toutes faites », les exemples de mise en accessibilité de bâtiments historiques observés à l’étranger montrent qu’il est possible d’avancer concrètement, y compris dans des contextes de bâtiments fortement contraints.
Ceci est possible à condition d’adopter une démarche de projet véritablement partenariale et spécifique au lieu et portée par une volonté politique forte. » (8)

Marie-Ange Vandecandelaere et Jérôme Schuman

(1) ROBERT F, Rendre les lieux classés accessibles au public, Le Soir, 30 avril 2011, p.18
(2) KNEUBÜHLER M, Journées européennes du patrimoine – guide pratique –, Conseil de l’Europe, DG Education et culture, p.8
(3) Gewestelijke stedenbouwkundige verordening voor Toegankelijkheid
(4) ORSONI Florent, directeur de Tuttimobi, cité dans le compte-rendu de la conférence du 5 novembre 2010 intitulée Le patrimoine bâti ancien et la mise en accessibilité : contraintes et solutions, le rôle de l’artisan.
(5) VAN DEN BOSSCHE H, Onroerend erfgoed en toegankelijkheid. Streven naar een betere toegankelijkheid in het kader van de algemene ontsluiting van publiek toegankelijk onroerend erfgoed, Vlaams Instituut voor het Onroerend Erfgoed (VIOE), Brussel, 2010, p.21
(6) Commission royale des Monuments, Sites et Fouilles de la Région wallonne, Présentation, http://www.crmsf.be/framepresentation.htm
(7) Situé au sud-ouest de Paris, le site de Port-Royal des Champs est un ensemble constitué des ruines de l’abbaye de Port-Royal, du musée national de Port-Royal des Champs (musée des Granges) et d’un domaine forestier et paysager.
(8) L’accessibilité dans 11 villes européennes. Recueil de pratiques en faveur des personnes à mobilité réduite, Editions du Certu, Collection Dossiers, Lyon, juillet 2001, p.69.

« Le patrimoine n’est pas une notion figée, et souvent les bâtiments ont évolué au fil du temps. Il faut comprendre cette évolution et à ce titre, l’ouverture à tous les publics peut aussi en faire partie. » (Florent Orsoni)

« L’accessibilité et la diversité du monde invitent une architecture qui se nourrit de cette réalité et signale une nouvelle ère du civisme patrimonial. » (Marcus Weisen, Consultant Accessibilité Musées Patrimoine)

« La principale difficulté, en matière d’accessibilité au patrimoine, est qu’il n’existe pas de solutions toutes faites. Tout est du « sur mesure » et dépend des valeurs patrimoniales spécifiques du bâtiment. Lorsque nous désirons rendre le patrimoine
architectural plus accessible, nous devons souvent rechercher des solutions créatives » (Joke Buijs)

« Les secteurs du patrimoine et de l’accessibilité disposent tous deux de beaucoup d’expertise dans leur propre matière. Lorsque nous devons, dans un bâtiment, considérer à la fois les valeurs patrimoniales et les critères d’accessibilité, il est nécessaire que les deux secteurs s’accordent l’un l’autre du crédit dans leurs
compétences propres. Une étroite collaboration est nécessaire pour arriver à une mise en équilibre optimale ». (Joke Buijs)

« Les projets qui fournissent, au final, les meilleurs résultats, sont principalement ceux qui sont, au tout début du projet, étroitement suivis à la fois par l’architecte, le
consultant du patrimoine et le conseiller en accessibilité. » (Joke Buijs)

Histoires de patrimoine (1)

La législation wallonne définit le patrimoine immobilier comme un bien « dont la protection se justifie en raison de son intérêt historique, archéologique, scientifique, artistique, social, technique ou paysager » (2).
Le classement est l’acte juridique officiel qui reconnaît la valeur patrimoniale d’un bien ainsi que l’intérêt de son maintien et de sa conservation. C’est aussi la plus importante mesure de protection d’un monument prévue par le Code wallon de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme, du Patrimoine et de l’Energie (CWATUPE).
C’est le Ministre régional en charge du Patrimoine qui détient l’initiative en matière de classement et de déclassement d’un bien, qu’il s’agisse :
> d’un monument : réalisation architecturale ou sculpturale considérée isolément ;
> d’un ensemble architectural : groupement de constructions urbaines ou rurales ;
> d’un site : espace suffisamment caractéristique et homogène pour faire l’objet d’une délimitation topographique ;
> d’un site archéologique : lieu ayant recelé ou étant présumé receler des biens archéologiques. Une « zone de protection » peut être mise en place autour d’un bien classé si cela est nécessaire pour sa mise en valeur ou sa conservation.
(1) Ce paragraphe s’inspire très largement de la brochure Guide du propriétaire de monument, rédigé par la Division du Patrimoine de la Direction générale de l’Aménagement du Territoire (DGATLP) et l’Institut du Patrimoine wallon (IPW)
(2) Guide du propriétaire de monument, Brochure didactique à l’attention des propriétaires de bâtiments classés, Les mesures de protection, DGATLP/Institut du Patrimoine wallon/Centre de la Paix-Dieu, 2004, p.15

Les droits et devoirs du propriétaire d’un bien classé en Wallonie

Que l’on soit un particulier, une collectivité locale, une entreprise ou une association, être propriétaire d’un bâtiment classé implique une série d’obligations. S’il souhaite effectuer des travaux dans sa propriété, le détenteur du bien devra demander un certificat de patrimoine, pré-requis indispensable avant d’obtenir un permis d’urbanisme. Le propriétaire peut choisir son architecte tout à fait librement. Dans le cas où il demande des subsides pour la réalisation de ses travaux, il sera soumis à la réglementation en matière de marchés publics pour la désignation de l’entrepreneur.
Ces exigences sont contrebalancées par plusieurs avantages non négligeables. Premièrement, le propriétaire d’un bien classé bénéficie, lors des travaux, d’un suivi spécifique de la part des architectes et des archéologues de l’administration du patrimoine, de représentants de la Commission Royale des Monuments et Sites (CRMSF) et de la commune. Ceux-ci se réunissent, avec le propriétaire, en comité d’accompagnement établi dans le cadre du certificat de patrimoine. La Région prend en charge les coûts liés à la réalisation des travaux (entretien, consolidation, restauration, mise en valeur et réaffectation) ainsi que, si nécessaire, ceux relatifs à la réalisation des études préalables à l’obtention du certificat de patrimoine. L’intervention varie selon le type de travaux et l’affectation du bien classé. Elle peut atteindre jusqu’à 95% si le bien est listé au patrimoine immobilier exceptionnel. Il faut savoir que le taux de subsides en Wallonie est l’un des plus élevés d’Europe pour les monuments classés. En outre, « il ne dépend ni du statut du propriétaire, ni de ses revenus » alors que ce dernier « conserve la pleine jouissance de son bien et est libre de le mettre en vente s’il le souhaite ». (1)
S’ajoute à cela l’aide fédérale, dont le maître d’ouvrage peut bénéficier, à savoir une déduction fiscale en ce qui concerne les frais d’entretien, de conservation ou de mise en valeur de son bien.
D’autres formes d’aides publiques peuvent également intervenir : aides au logement, au tourisme, au développement rural, à la création d’entreprises… Des aides européennes, via le Fonds européen de développement régional (FEDER – voir encadré « Les Fonds structurels et les prescriptions en matière d’accessibilité » p.14), sont aussi envisageables, par exemple dans une situation de revitalisation ou de développement touristique et culturel.
(1) Guide du propriétaire de monument, Brochure didactique à l’attention des propriétaires de bâtiments classés, Les aides financières « patrimoine », DGATLP/Institut du Patrimoine wallon/Centre de la Paix-Dieu, 2004, p.4

Tuttimobi ou l’accessibilité « des lieux et des esprits »

L’association française Tuttimobi soutient, depuis 2002, une accessibilité respectueuse du patrimoine et de l’ensemble de ses usagers. Afin de la mettre en place, elle apporte des bonnes pratiques et outils concrets permettant le passage de la théorie à la pratique. En mars 2011, Tuttimobi a organisé le Séminaire International « Accessibilité du cadre bâti ancien protégé » au Château de Versailles, dont les actes seront bientôt publiés en ligne (www.tuttimobi.net). Nous tenons à vivement remercier Florent Orsoni, Directeur opérationnel de Tuttimobi, avec lequel nous avons, pour la réalisation de ce dossier, effectué plusieurs visites de sites dont l’accessibilité constitue une des priorités (Château de Versailles, Port-Royal des Champs, Ecole du Louvre et musée du quai Branly).

Les Fonds structurels et les prescriptions en matière d’accessibilité

Fonds social européen (FSE), Fonds européen de développement régional (FEDER) et Fonds de cohésion sont autant de mesures s’adressant aux Etats membres de l’Union européenne. Regroupés sous l’appellation de Fonds structurels, ils donnent la possibilité de réduire les inégalités de développement sur l’ensemble du territoire européen.
Le FEDER, en particulier, peut être octroyé dans une situation de revitalisation ou de développement touristique et culturel. Un financement est ainsi accordé pour réhabiliter un ensemble immobilier, aménager un musée…
Dans le cadre de l’octroi de Fonds structurels, le projet doit s’accorder aux objectifs définis dans la politique de cohésion économique, sociale et territoriale. A cet égard, l’Europe conditionne la dotation budgétaire à la prise en compte de l’accessibilité de l’environnement bâti : « il est important pour toute initiative financée par les Fonds structurels d’imposer l’accessibilité de tous les lieux, infrastructures, transports, technologies et services qui seront conçus, entretenus ou améliorés » (1). Le règlement général du Conseil de l’Union européenne (2) se consacre plus largement encore à la dimension du handicap. Il stipule en son article 16 que « l’accessibilité aux personnes handicapées est l’un des critères à respecter lors de la définition d’opérations cofinancées par les Fonds ». Il s’agit donc pour les Etats membres de tenir compte de la question de l’accessibilité durant les différentes étapes (programmation, modalité des partenariats, sélection des projets, suivi, évaluation, information…) de la mise en oeuvre de tout projet subventionné. A ce titre, plusieurs bâtiments classés ont été ou sont réaffectés avec le soutien de fonds européens. Que le bien soit protégé ou pas, le respect du principe de l’accessibilité aux personnes handicapées revêt une « importance cruciale » lors de l’exécution de tels projets.
Alors que l’Europe ne cesse de promouvoir l’inclusion sociale et l’égalité de participation, la totale accessibilité est essentielle à l’accomplissement de cet objectif et doit requérir, dès le départ, l’attention de chaque Etat membre !
(1) Commission européenne, Garantir l’accessibilité et la non-discrimination aux personnes handicapées. Guide d’information sur l’utilisation du Fonds de cohésion et des Fonds structurels européens, Luxembourg : Office des publications officielles des Communautés européennes, 2009, p.11.
(2) Règlement (CE) n° 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) n° 1260/1999, http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2006:210:0025:0078:FR:PDF

Patrimoine flamand et accessibilité

L’institution Onroerend Erfgoed (« Patrimoine immobilier ») s’occupe, pour la Région flamande, d’examiner et de répertorier les biens immobiliers classés. La problématique de l’accessibilité des sites immobiliers classés fait partie de son programme. Afin de parvenir à cet objectif, l’institut flamand a récemment publié la brochure « Onroerend erfgoed en toegankelijkheid », reprenant notamment les concepts clés ainsi que des suggestions et exemples pratiques permettant l’accès du patrimoine immobilier pour tous. Nous nous sommes inspirés de cette publication et avons, à cet égard, rencontré l’architecte travaillant à l’intégration de l’accessibilité des bâtiments classés, Joke Buijs. D’ici 2014, le Onroerend Erfgoed prévoit de mettre en place des journées d’étude réunissant les différents acteurs des secteurs du patrimoine et de l’accessibilité, afin d’étudier les questions et besoins en la matière.
Plus d’infos sur www.onroerenderfgoed.be.

Pour en savoir plus : Colloque « Patrimoine et accessibilité » lors du salon Autonomies 2012
Interpellé par le sujet ? Envie d’en savoir plus ? A l’occasion du salon Autonomies 2012 (du 26 au 28 avril 2012 aux Halles des Foires de Liège), Gamah organise un colloque sur le thème « Le Patrimoine accessible aux PMR ». Plus d’infos suivront sur les sites www.gamah.be et www.autonomies.be. Au plaisir de vous y rencontrer !